- TEKE (ROYAUME)
- TEKE (ROYAUME)TEKE ROYAUMEAu cœur oublié de l’Afrique, le seul royaume équatorial de plaine, celui de l’U:Nko et de son peuple, sans être ignoré, reste peu connu, alors qu’il illustre un type de structure et d’histoire. Il n’y a, semble-t-il, qu’une seule grande savane en basse altitude, sous un climat équatorial (600 m): celle des plateaux teke en grès éocènes, de 0 à 40 de latitude Sud entre 12 et 180 de longitude Est. Elle est due au déplacement vers le sud des pluies et paysages, après la fin de la dernière pluviation africaine qui correspond à la glaciation de Wirm sur le monde laurasien: ce qui était savane au sud a été regagné par la forêt quand l’équateur pluvial, qui en était la cause, reprit sa place. Le premier peuple b :Ntu arrivé alors sur les lieux (vers 2000-1000 av. J.-C. au plus tard), avec les débuts de la métallurgie du cuivre et du fer et avec une agriculture itinérante, a maintenu, par ses brûlis, une savane sur grès perméables que, sans lui, la forêt aurait refermée sur elle-même.Issus des civilisations proto-antiques du Sahara et du Sahel, chassés peut-être par la grande dessiccation post-würmienne vers les savanes septentrionales, des peuples africains foisonnants ont migré, peuplé, civilisé de mille façons tous les sahels, toutes les savanes. Les royaumes et empires du Nil puis du Niger en descendent. En procèdent aussi ceux qu’il est commode d’appeler b :Ntu et dont le foyer ethnogénétique se situe vers le sud des grands lacs de la crête Congo-Nil, dans les altitudes orientales des savanes. Après avoir vaincu la barrière de la tsetse , ces peuples déferlèrent en éventail vers tout le sud de l’Afrique, du Zambezi au fleuve des K 拏:Ngo. Les Teke sont ceux qui marchèrent les premiers à l’ouest, vers l’Atlantique, le long du front sud de la forêt.Installés aux passages des fleuves et sur les interfluves, le long de leur axe de déplacement, ils couvrent depuis le pays Zing au Zaïre jusqu’à la barrière des monts enforestés qui bordent l’Atlantique. Ces peuples du type teke possèdent une certaine unité linguistique (les langues et idiomes de leurs voisins, Ngala au nord et K 拏:Ngo au sud, paraissent plus récents et parfois dérivés). Ils n’auraient rencontré devant eux que les Tswa ou pygmées, grands chasseurs à l’arc et à la lance, qui sont peut-être les derniers Tshitoliens disséminés et alors en voie de néolithisation. Avec ces Tswa s’achève l’ethnogenèse teke, sur place. Leur habitat en forme de triangle étiré sur deux mille kilomètres de largeur, dont cinq cents du nord au sud, est centré sur le lac Nkuna et le goulet du grand fleuve Olun, que nos cartes dénomment Congo. Le peuple tio en occupe ainsi le centre autour de Mbe, qui signifie « capitale».Une fois installés, les Teke — ou Nzi, comme les appellent les Tswa et les premiers Européens (aNzi-Kana ) — développèrent une démographie complexe. L’équilibre qu’ils maintinrent entre chasse et pêche, d’une part, et culture des tubercules, d’autre part, conforta une société composée de lignages, de villages et de nsi (« terres», c’est-à-dire chefferies). De là naquit, vers les XIe-XIIIe siècles, un royaume sacral reposant sur l’arbitrage suprême des grands. Plus tard s’en détacha une marche du sud qui devint le K 拏:Ngo. Les luttes et l’arrivée des Européens, assortie de prises d’esclaves, entraînèrent une lente et grave déstructuration. À la fin de ces vicissitudes, Brazza signa avec Ilo: Ier le fameux traité du 10 septembre 1880, dont la chute de la monarchie lors de l’indépendance fut la conclusion: les voisins firent mine alors de ne pas pardonner ce traité de protectorat qui accordait alors à Ilo: l’accès immédiat aux richesses de la côte sans avoir à passer par l’entremise léonine des courtiers vili.Il reste de ce temps-là une civilisation mystérieuse tout entière vouée au culte des ancêtres, qui récompensent, punissent et gouvernent et la vie et les cœurs. Les tissus de nervures de palmes, les céramiques et les vanneries, les monnaies et les instruments, les contes et les rites témoignent de cette antique sacralité. L’indomptable et discrète fierté de cette société, sa politesse et son sens de l’hospitalité restent l’expression d’un riche passé, qui représente, au milieu de notre monde, comme une pierre d’attente. Le Nzi ne définit pas l’homme par la matière et l’avoir, à la façon de l’Occident, mais comme un sacré altier et secret.
Encyclopédie Universelle. 2012.